Poèmes DES ÉQUILIBRES

Lire comme un oiseau

En braille, du bout des doigts

je fais le tour des taches de lumière.
Caillots de blanc étalés et vibrants

sous le tilleul odorant,

tamis de fraîcheur

pour pensées coagulantes.

...

L'escargot

Poursuivre la recherche entêtée,

retour et enroulement sur soi,

à rebours de notre modernité,

vers le silence, la lenteur

et le temps retrouvé.
...

 Les petits mots 

Si l'Âme aime la beauté 

si la beauté est l'art d'aimer 

syllabes de l'Art 

sont l'Amour et la Beauté. 
...

Lutte

Nuit blanche

                        Pas de lune

au creux de chaque seconde

L'effort pour faire venir le noir.

Tentative de manœuvres dormantes

maintenir le mat à l'horizontal

Fixité singulière des yeux clos.

Surtout ne pas voir, ne rien savoir.

(...)

Je voudrais devenir cet Opéra de silence

un vaste ciel blanc dans les coulisses de l'âme,

déployer deux ailes immenses

tout au bord de mes yeux sans larme.

II y a

Ces frontières fermées qui bordent
le cœur 

L’océan emprisonné
dans un vase de cristal

Ces nuages qui s’effilochent sans cesse

D'une idée à l'autre hachurant le paysage

Il y a

Ces prémonitions, tremblements nocturnes des paupières 

Ces petits oursins qui roulent
entre les seins

Il y a 
...

Prends garde

Quand monte l’éclipse au cerveau,

Que la lune gibbeuse t'éclabousse

et boit avec toi, un verre, encore un verre 

Prends garde à l’écorce de tes rêves nocturnes qui se craquellent,

Aux mornes matins blancs qui poussent

à enfiler les souliers rouges,

Prends garde aux ombres en sueur
qui te frôlent,

aux bouches affamées qui voudraient manger dans la paume des mains,
dans le creux des reins,

tout au bout des seins,

À l’amère et âpre goût de rancœur,

gravelle qui tâche au fond du verre
...

Et maintenant que fais-tu ?

Ta Mère n'a plus de lait.

Ses seins flottent au vent

La rivière verte s'est tue 

Sa crinière d’écume ne se cabre plus

Alerte ! La Skokomish est en cru

Les saumons enjambent le pont

Et meurent en chemin

La terre tremble - le corps résonne 

On est en vigilance orange

Alerte ! Chairs mutilées

On virucide on soigne

à coup de scalpel

et de lance flamme
...

Escapades sauvages

Irrépressible Ascension

Depuis le creux opaque de la terre

jusqu’à dresser les poils 

Le long de l'échine

Long frisson glissant brûlant

La montagne soupire.

***

Museler les pensées 

Étouffer la soif 

Par les plis de la peau 

les perles de sueurs la langue le souffle 

L’échappée belle les papillons de nuit 

Bruissements dans les cheveux. 

...

Parce que le ciel est distant 

Là-bas un fragment de soi 

Là-bas un morceau de souvenir
Embelli à la feuille d’or 

Bien caché au fond d'un tiroir 

Parce que toujours n'existe jamais 

Parce que l'horloge sèment
ses secondes sans faillir 

Parce que la longue colonne d'aïeux
se tient dans ton dos 

Parce que l'air garde en mémoire
les larmes et les peines 

Fuir et puis savoir que l'on fuit 

Planter une échelle qui monte
jusqu’au ciel 

Se confondre avec les murs,
s’enfoncer dans le canapé 

Fuir - Le corps ici -     l'esprit Là-bas 

Parce que la marée haute 

Parce que la marée basse 

...

Égarement

Le Caillou m'a bleutée

Le soleil m'a rougi

La fougère m'a foulée

La liane m'a lié

(...)

Le chemin m'a retrouvée. 

Équilibre 

Sur la cime des arbres 

Elle marche 

Le langage des étoiles 

Il parle 

Dans le firmament 

Elle nage 

Aux entrailles de la terre 

Il goûte 
...

Poème pour jambes qui courent vite

Pensées débridées qui se chevauchent

Cognent aux tympans

Sabots qui claquent martèlent le ciel gris

le son résonne aux portes du souffle.

Entre les lignes des sourcils

défilement fulgurant d'une harde

Sitôt chassée par des perles d'idées

saccadées, confuses, hachées

lancées à folle allure.

Le calme du dehors

le galop du dedans.
...